Les 7 comités de bassin de l’hexagone se sont réunis le 9 novembre lors d’une réunion inédite
Après l’épisode de sécheresse intense qu’a connu la France cet été, qui laisse encore aujourd’hui des effets très perceptibles dans de nombreux bassins versants, les 7 comités de bassin de l’hexagone se sont réunis le 9 novembre lors d’une réunion
inédite, en présence de Bérangère Couillard, Secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie.
Leur position est unanime : il est impératif d’agir plus vite, plus fort dans les territoires afin de mettre en place des solutions structurelles d’adaptation au changement climatique.
Cette rencontre est une étape décisive pour définir la feuille de route gouvernementale pour l’eau, premier chantier de la planification écologique territoriale prévu pour début 2023.
Fin octobre, 78 départements étaient encore concernés par une restriction des usages de l’eau au-delà de la vigilance dont 38 en crise. La crise de sécheresse n’est pas derrière nous. Le cycle de l’eau est profondément modifié par le changement climatique et on s’attend à une augmentation sensible de la tension sur la ressource en eau.
D’ici 2050, les experts du climat estiment que les grands fleuves français pourraient perdre jusqu’à 40 % de leur débit d’étiage et la recharge des nappes phréatiques par la pluie pourrait diminuer de 30 %. La réduction des débits et de la disponibilité des ressources en eau entraînera en outre mécaniquement une plus grande concentration des polluants dans les milieux aquatiques. Avec davantage de fortes pluies en hiver et au printemps, aux effets qui peuvent être catastrophiques, et moins de pluie en été et en automne, la variabilité saisonnière mais aussi inter-annuelle des précipitations sera grande.
Les températures atmosphériques grimperont de 2 à 5 degrés et les sols agricoles souffriront de l’augmentation de 10% à 30% de l’évapotranspiration, en particulier en automne.
Agir plus vite, plus fort dans les territoires
Plus que jamais il convient de mobiliser les territoires. L’adaptation au changement climatique n’est plus une option, elle est impérative. Le Gouvernement a engagé la hausse des moyens des agences de l’eau en augmentant leurs plafonds de dépenses de 100 millions d'euros pour 2022. Il lance cet automne une vaste démarche de planification écologique dont le premier chantier est consacré à l’eau, avec la volonté d’associer les acteurs locaux et les spécificités territoriales. Forts de leur rôle essentiel dans la définition des stratégies locales concertées de gestion de l’eau, les 7 comités de bassin, ont été saisis mi-octobre par Christophe Béchu, Ministre de la Transition écologique et de la Transition des territoires, et Bérangère Couillard, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, pour contribuer à ce chantier eau, avec le soutien et l’expertise des agences de l’eau. Aujourd’hui, il faut passer du diagnostic à l’action. Des solutions existent et sont déjà mises en œuvre sur les territoires. En 2021, 1,045 milliards € d’aides ont été attribuées par les agences de l’eau pour des opérations contribuant directement à l’adaptation au changement climatique telles que les économies d’eau, la ré-utilisation des eaux usées traitées, la gestion des eaux de pluie et désimperméabilisation des sols, la renaturation des rivières et la restauration des zones humides...
Il convient d’accélérer les investissements, de lever les freins organisationnels et de mobiliser les acteurs locaux pour engager les nécessaires mutations dans les territoires ruraux et urbains.
Accompagner la transition vers une agriculture plus sobre en eau
Très sensible aux effets du changement climatique, la production agricole est d’autant plus fragilisée que les systèmes de culture sont fortement dépendants de la disponibilité en eau.
Dans un contexte où les ressources diminuent et où la concurrence entre les usages de la ressource s’amplifient, le modèle agricole doit être ré-interrogé.
Les comités de bassin recommandent unanimement de tout faire pour produire avec moins d’eau. Des solutions techniques existent : pilotage de l’irrigation (la bonne dose au bon moment) et efficacité des systèmes d’irrigation, lutte contre les fuites, choix de variétés mais aussi de cultures économes en eau et résistantes à la chaleur et au stress hydrique...
Ces solutions doivent être amplifiées pour diminuer les besoins en eau des systèmes agricoles et limiter les prélèvements d’eau. L’agriculture est en effet le premier consommateur d’eau en période d’étiage.
Une autre piste est de limiter l’assèchement des sols. Moins travailler le sol, maintenir un couvert végétal, développer l’agroforesterie, planter des haies pour faire de l’ombre sont autant de pratiques à déployer pour maintenir l’humidité dans les sols.
Enfin le changement climatique se caractérisant par une amplification des variabilités et des phénomènes extrêmes, les exploitations qui diversifient leurs productions sont plus résilientes face aux aléas. La diversification des productions a également comme avantage d’étaler le besoin en eau et d’éviter qu’il soit concentré sur une même période surtout lorsqu’il s’agit de la période estivale.
Les comités de bassin s’accordent sur le fait que la mise en œuvre de ces actions ne sera toutefois pas suffisante sur tous les territoires, et que la mobilisation de nouvelles ressources en eau sera nécessaire, qu’il s’agisse de transferts d’eau, de stockage, ou de réutilisation des eaux usées traitées. Mais cette mobilisation devra se faire dans le respect de la préservation des milieux naturels et devra être adaptée aux spécificités de chaque territoire, à l’issue d’un processus de concertation autour du partage de l’eau entre tous les usages.
Porter l’effort sur l’organisation du partage de l’eau
Cette stratégie est déjà à l’œuvre dans les bassins hydrographiques sous forme de projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). La finalité est de garantir un partage équilibré entre les usages (eau potable, irrigation, industrie...) tout en laissant un volume d’eau suffisant dans les rivières et les nappes pour leur bon fonctionnement écologique.
Grâce à ces démarches, les actions en faveur des économies d’eau se sont multipliées ces dernières années et, bien souvent, l’agriculture est d’ores et déjà le secteur qui contribue le plus à ces économies d’eau.
Les agences de l’eau, en 1ère ligne dans le déploiement de ces démarches, avec les services de l’Etat, ont investis 102 M€ en 2021 pour accompagner les économies d’eau dans les territoires. En 2021, sur l’ensemble des bassins hydrographiques de France métropolitaine, 34 Mm 3 d’eau ont été économisés, c’est plus que la consommation annuelle d’une ville comme Lyon. C’est un progrès mais l’urgence climatique nous demande d’aller plus vite, plus fort !
Rendre les espaces urbains résilients
Dans les espaces urbains aussi, les effets du dérèglement climatique nous imposent de changer notre rapport à l’eau. Il nous faut évoluer dans l’aménagement de nos villes et rompre avec une tradition hygiéniste considérant l’eau comme une nuisance - visant à l’enfermer dans le « tout tuyau » ou à enterrer les rivières pour se protéger – au profit d’une logique d’aménagement autour de la nature, au bénéfice d’une eau visible et valorisée. Face aux tensions sur la ressource, rendre les villes perméables est une solution d’adaptation efficace. En France, entre 20 000 et 30 000 hectares sont encore artificialisés chaque année.
En évitant d’imperméabiliser les sols et en désimperméabilisant ceux qui le sont déjà, on laisse les eaux infiltrées recharger directement les nappes souterraines. Les solutions mises en œuvre, telles les noues végétalisées ou encore les jardins de pluie, permettent bien souvent de végétaliser les villes et ainsi de lutter contre les îlots de chaleur l’été. On estime à 1,5 degré supplémentaire la différence de température entre un milieu urbain et un jardin ombragé. En 2021, les agences de l’eau ont accompagné financièrement la désimperméabilisation de 205 ha dans les espaces urbains.
Les comités de bassin sont moteurs pour impulser de nouvelles formes d’urbanisme intégrant les solutions fondées sur la nature (SFN). La rivière en ville peut combiner biodiversité, cadre de vie et sécurité face aux évènements extrêmes. En lui redonnant libre-cours pour retrouver des écoulements variés et sans obstacles, un espace de fonctionnement (élargissement), une diversité de substrats et de végétaux, on redonne vie à la biodiversité. La rivière est plus résiliente lors des hautes eaux ou des périodes d’assèchement. Et elle offre en ville un cadre de vie plus frais et attractif pour les riverains.
La sécheresse 2022 est inédite par son intensité, sa durée et le nombre de territoires concernés. Bien que la sécheresse ait été sérieusement anticipée, nous avons été collectivement confrontés à la gestion d’une crise hors norme. Dans ce contexte, le Gouvernement a lancé un exercice de retour d’expérience afin de tirer tous les enseignements de cet épisode et être prêts à affronter l’été prochain. Cependant, au-delà de la gestion de crise, c’est bien la gestion structurelle qu’il faut faire évoluer. Avec le ministre Christophe Béchu, nous avons ainsi engagé un chantier dédié à l’eau, qui s’inscrit dans l’exercice de planification écologique menée par la Première ministre, structuré autour de trois grands axes : sobriété des usages, accès à une eau potable de qualité, restauration du grand cycle de l’eau. Nous repartons des travaux des Assises de l’eau et du Varenne agricole. Ce plan d’action ne sera pas le plan d’action de l’État. Ce sera un plan d’action collectif, avec les territoires. Nous mobiliserons un panel de solutions adaptées aux enjeux locaux. »
déclare la Secrétaire d’État chargée de l’Écologie Bérangère Couillard.